Les confidences de Bonaventure: "La ‘Ysaline calme’ n’existera jamais"
En quelques mois, elle a réalisé d’énormes progrès grâce à un gros travail l’hiver dernier.
- Publié le 21-05-2019 à 11h11
- Mis à jour le 21-05-2019 à 21h20
En quelques mois, elle a réalisé d’énormes progrès grâce à un gros travail l’hiver dernier. À la fin de l’année passée, Ysaline Bonaventure, 24 ans, était engluée à la 150e place mondiale, ce qui lui barrait la route des grands tableaux WTA. Il lui reste encore un cap à franchir pour arriver dans le Top 100 , qui lui évitera de longs matchs de qualif. Depuis janvier, elle a disputé 30 matchs sur le circuit WTA, dont 17 en qualif s ! Elle sort de plus en plus facilement de ces deux ou trois matchs pièges qui ne rapportent aucun point WTA. "Je suis contente de mes cinq premiers mois. À l’Open d’Australie, j’ai loupé le coche au premier tour, mais j’étais très stressée. Je suis juste déçue par Charleston et Bogota. Pour le reste, mon jeu évolue doucement."
Quand on regarde dans le rétro, sa victoire face à Garbiñe Muguruza en Fed Cup à Courtrai frappe les esprits. Le sien aussi. "Je jouais pour la première fois un match à enjeu en Fed Cup. Je n’avais jamais ressenti de telles émotions. Mes proches étaient là. Même mon copain était venu. J’ai tout donné sans compter. J’ai gagné en confiance et en notoriété, mais il m’a fallu un peu de temps pour redescendre sur terre. À la télévision, Carl Maes espérait que je prenne quelques jeux. J’ai pris deux sets. Personne ne s’attendait à cette victoire. Moi, j’ai prouvé que je pouvais être présente au bon moment."
De toutes les joueuses belges, elle est incontestablement celle qui a réalisé le plus grand bond en 2019, même si cela ne se traduit pas dans son ranking. Cette métamorphose vient d’un choix opéré en octobre dernier. Elle s’était assignée comme mission de perdre 10 kilos pour être plus solide lors des matchs marathons.
"Le travail hivernal m’a apporté beaucoup sur un plan physique. J’ai pris le temps de me poser pour bosser mon foncier. J’ai aussi réalisé à quel point j’aimais la vie sur le circuit. Sur un plan physique, je sens que je peux tenir plus facilement dans le 3e set. Comme je me sens plus forte, je me frustre moins vite sur le terrain. Par rapport à mon objectif de poids, je ne suis pas encore arrivé où je voulais."
Elle n’en fait pas une obsession. "Mon explosivité est bonne, malgré mon gabarit. Si je perds du poids, je perdrai du muscle et de la puissance."
En revanche, elle veut corriger au plus vite ses errements sur service. "C’est mon souci, avoue-t-elle. Je commets beaucoup de doubles fautes. Mon service, c’est mon baromètre. Quand je me sens bien, il est bon, mais…"
Elle compense cette faiblesse par un jeu de fond de court très intéressant. Ysaline Bonaventure fait partie de ces joueuses capables de tout sur un coup. "Mes déplacements rapides m’aident à être bien positionnée quand je frappe la balle. Quand je m’entraînais avec Flipkens, qui est réputée pour sa lecture du jeu, elle était étonnée par mes coups sur des balles compliquées. Je peux faire un point gagnant sur chaque balle."
En quelques mois, elle a prouvé qu’elle avait sa place sur le circuit. À 24 ans, elle possède encore une marge de progression, mais le puzzle se met bien en place. Par le passé, son incapacité à gérer ses émotions lui a joué des sales tours. "Je bosse avec une coach mentale. Je ne peux grandir qu’en jouant des matchs. Je ne veux plus en gâcher. Je me sens plus mature. La ‘Ysaline calme’ n’existera jamais. J’ai besoin d’extérioriser mes émotions sur le terrain pour offrir mon meilleur jeu."
Si elle reconnaît que le chemin vers la gloire est plus dur que prévu, elle est fière du travail déjà réalisé. "Nous, joueuses de tennis, nous sommes comme tout le monde. Certains jours, nous n’avons pas la même envie d’aller au boulot tous les matins."
"Une saison pour moi, c'est 70.000 euros"
Elle a eu la chance de croiser la route d’un mécène qui lui a prêté de l’argent qu’elle a presque fini de rembourser.
Pour des joueuses de la catégorie d’Ysaline Bonaventure, Roland-Garros représente une possibilité importante de se mettre à l’abri pour les frais d’une saison. La 116e joueuse mondiale évoque sans tabou sa situation financière.
Il y a cinq ans, elle a croisé la route d’un mécène, Laurent Minguet, qui lui a prêté de l’argent. "Je lui ai emprunté de l’argent que je lui rembourse" , raconte-t-elle. "Il me reste encore un peu à lui donner. Sans lui, je n’aurais jamais pu faire carrière. Il m’a donné la chance d’avoir, notamment, un entraîneur. Quand je lui aurai tout remboursé, je mettrai de côté. Je ne suis pas une grande dépensière. J’ai toujours fait attention à mes dépenses car ce n’était pas mon argent."
Pour la Theutoise, l’ardoise d’une saison grimpe jusqu’à 70 000 euros. "Et c’est la loi de la débrouille ! Pour les avions, je connais tous les filons. Si l’hôtel imposé est trop cher, mon entraîneur loge ailleurs."
Dans ce contexte, chaque euro du prize-money participe à son avenir financier. À Roland-Garros, les joueuses perçoivent un chèque de 7 000 euros pour une élimination au premier tour des qua lifs . La somme est doublée puis triplée lors des deux tours suivants.
"Ce bol d’oxygène est capital. Melbourne m’a beaucoup aidée car je me suis qualifiée pour le premier tour du grand tableau."
Elle a touché un peu plus de 46 000 euros à Melbourne, sans oublier les 25 000 euros des qualifs.
Fed Cup : "C'est Flipkens qui porte l'équipe"
Depuis le Monamigate, l’équipe de Fed Cup a connu l’ivresse d’une victoire italienne et deux déceptions sous l’ère Van Herck face à la France et l’Espagne. L’équipe a été qualifiée tantôt d’ingérable tantôt de groupe soudé. Ysaline Bonaventure donne sa définition de l’équipe : "C’est Flipkens, la doyenne, qui porte l’équipe. Mertens est la leader vu son classement. Son absence à Courtrai a été un coup dur vu que la surface avait été acceptée par tout le monde. Je respecte son choix et n’ai aucune rancœur. Van Uytvanck est toujours là. Quand elle perd, elle est si déçue. Wickmayer souffre pour le moment, mais s’accroche. Nous nous entendons toutes très bien. Avec Kirsten et Ali, nous mangeons ensemble quand nous jouons les mêmes tournois. Johan Van Herck est l’homme de la situation. Il a ramené un esprit d’équipe. Nous avions besoin d’un leader qui dirigeait le groupe. J’adore jouer quand il est sur le banc."